                        bruit du moteur paysage

                                   prendre appui sur un poteau pour ne pas tomber

                                                                                                          balance

                                                                                   l’amazone

                                                                       une annonce au micro du capitaine

                                   je m’endors     je discute

                                               l’univers entier dans une barque

                                                           on ne voit plus le mur tant il y a de monde

            une goutte humide tombe sur mon poème (je la contourne au stylo)

                                                                       des gosses en pirogue

                                                                       reçoivent des chips

                                                                       que balancent d’autres amérindienn.e.x.s

                                                                                   du bateau

                                               delta de l’amazone

                                                                                   un coup de

                                                                                              soleil

                                                                                                          qui se couche comme un

                                                                                   œuf à la coque

macapa-belém

Anniviarde

Je ne suis pas né pour proposer des égalisations ou pour remplir des formulaires. Il est difficile d’enlever les boutons, surtout lorsqu’ils sont à l’envers. Je ne suis pas né pour écrire mes passwords sur des post-it jaunes. Les crises ne font qu’un seul bonheur, mon sourire est une idée crevée. Je ne suis pas né pour être choisi en dernier, les secondes chances ne m’intéressent pas. Un océan sur un sac en plastique, les bouteilles d’eau me mettent mal à l’aise, j’enlève le robinet, je bois. 

Le futur simple est composé comme l’œil du brancardier, il tire des bombes nucléaires sur la lune, pour qu’il ne pense pas à la retraite et pour qu’il ne mange pas les restes des autres, pour qu’il ne supprime pas les dossiers souvenirs et pour qu’il ne reste pas au lit, pour qu’il boive du café sans sucre et pour qu’il pousse, il est payé pour pousser la charrette. Combien ?

Je ne suis pas né pour avoir une bonne note en maths. Mon cerveau aux enchères, demain j’achèterai trois autoroutes, mon compte bancaire ne respecte pas le code de la route. Je ne suis pas né pour placer des échelles en bois, le gout est mû, ma participation est nécessaire. Je ne suis pas né pour créer des grimaces avec mon visage, je le déteste, bientôt je le remplacerai par un organe convaincant. J’aime beaucoup ce que je propose.

La proposition

Intestine

Haïku sans titre

Dépêche

il y avait eu ce coup d’accélérateur 

ces roues qui ne s’étaient pas arrêtées et qui avaient failli lui coûter 

Elle s’était installée dans ce petit café de la côte

Décembre formait sur la plage un couvercle de glace bleue

même le sable n’avait plus rien de la couleur des jours heureux.

elle savait : c’était le moment ou jamais. 

Un Petit Coin de Ciel Beau tanguait doucement sur l’eau noire du quai 9. 

Défaire les bouts et rentrer les bouées.

Elle pouvait tourner la clé qui serait forcément restée sur le moteur.

La lune au sommet pour toute orientation géographique. 

en quête de l’ultime trésor de sa vie : la délicatesse. 

les mains serrées dans un k-way trop grand 

un drapeau rose ou violet planté dans les cheveux 

Indélicatesse

quelques vieilleries à dépoussiérer j’ai dit Instagram comme un journal intime œuvre d’art factice fictive quand l’eau s’arrête de couler en dedans, la pluie tambourine, à la vitre on a besoin de parapluies besoin de s’abriter sous les feuilles sous les avant-toits sous les bras

plutôt les miens en moi ceux qui me rendent forte parce que ce sont les miens, uniques et doux

sur la peau le vent frais passe glisse caresse, proche des os

(et il y a, au coin de la pièce chaude, presque glissé sous la porte disparu un petit papier

C’est une lutte constante pour la vie. Je dois choisir, encore et encore, à chaque fois que j’ai faim, entre me laisser souffrir de la faim ou me permettre de vivre.

journal intime déchiré du mois d’octobre)

comment on écrit des journaux intimes

Le repas

je n’ai pas dit J’ai tant de choses à te dire

ça fait plus de sept jours que cette seule pensée

j’en ai l’oreille bouchée ce soir une amie m’a chuchoté

j’ai tant de choses à dire je sens que ce sera pour

18h47

Surdité de la roche
Enseigne érodée
Un phare dans une lucarne
Les sanglots de la mer en ricochets
Glissent sur le silence des buveurs
Une pinte, deux pintes…
Une molle continuité

Calfeutrée devant la cheminée
La vieille remet une tourbe
Claquant sa langue à chaque crépitement
Un gros nuage orphelin rejoint le troupeau
Éclaircie virale
La lumière mousse drue

Les mêmes gueules d’échoués
Dans le miroir éventré
L’écho de la mer jusqu’à la nausée
Les filets roulés aux pieds
Du sel au coin des yeux
Un naufrage de mémoires

L'Île d'Aran 

L’image oscille entre l’élégance et l’étrange. Un véhicule d’apparat, tout d’or et comme en lévitation sur quatre gigantesques pattes de sauterelle. À l’intérieur, comme on pouvait s’y attendre, les deux petites têtes couronnées, perdues sous le velours, la fourrure et les diamants, elles saluent la foule venue les admirer. Le nouveau roi et sa reine font signes aux caméras, à nous qui observons assis dans nos canapés. Contre les vitres du carrosse, on voit le reflet du crépitement des appareils photo. Et soudain le bruit sourd. La vibration. Je baisse le son, le curseur apparaît à droite de l’écran. Il descend petit à petit jusqu’à zéro. Un autre coup retentit, raisonne et semble mourir au loin. Silence. Le grand insecte de bois recouvert de plaques d’or avance entre les agents de sécurité, tiré par quatre chevaux blancs peignés à la perfection. Leurs crinières propres et légères flottent comme des drapeaux au vent. Je retiens mon souffle. 

Les gardes n’ont pas à lutter pour se frayer un chemin. Les barrières sont en place et le peuple discipliné salue, s’agite, hurle sa joie même la voix coupée. Chacun reste à sa place comme il se doit derrière les barres de métal. Je remonte le volume. Le commentateur explique que dans une heure nous assisterons au salut de la famille royale depuis le balcon de Buckingham mais pour l’instant le cortège doit encore progresser. On entend des klaxons, un grondement de foule. Une vibration lourde sous mes pieds. Je me lève et tire les rideaux. À nouveau gros plan sur ce carrosse aussi solaire que grotesque. Une tête de méduse est accrochée au centre du carrosse en guise de marche. Mais est-ce bien cela ? Je n’en sais rien. Ce masque grimaçant est-il placé là pour qu’on marche dessus ? Mon regard se déplace vers le cadre de la porte vitrée. Il figure deux minces troncs écaillés, sortes de palmiers rachitiques ou d’arbustes légendaires. Touche exotique, qui pourrait aussi bien servir de référence aux colonnes corinthiennes qu’à l’empire colonial. Que faut-il en penser ? 

Je m’en moque. Je m’en fiche de penser. Je me fiche de ces deux clowns. De leur attelage aux genoux explosés par le choc des fers sur le bitume. De cette laideur triomphante et minable. Des gardes qui perdent connaissance dans leur costume sous le soleil de plomb et tombent comme des mouches. De ce sol qui n’en finit pas de trembler. Des hélicoptères. Des alarmes. Et de la voix de notre journaliste national. De ses commentaires sur le couronnement insensé de ce troisième Charles. Et de moi qui l’écoute, calfeutré dans mon appartement de Kharkiv, tremblant sous le poids des bombes. Ces bombes larguées par drones téléguidés d’on ne sait où. Par un homme comme moi devant son écran, qui ne voit le monde qu’à travers sa fenêtre. Quelque part entre Londres, Kiev et Moscou.

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